TERRE - JUPITER - SATURNE |
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1°) AVEC PIONEER 11 :
Aucun incident n'a retardé le compte à rebours de l'Atlas Centaur TE-M-3644 porteuse de Pioneer 11. Et sur le complexe 36 de Cape Kennedy, c'est à l'heure prévue, au début de la fenêtre jupitérienne de 1973, qu'a lieu sa mise à feu le 6 avril à 2 h 11 (TU).
Le lanceur AC 30 utilisé pour cette opération est nouveau. Il utilise la Centaur GD D-IA (GD pour Général Dynamics dont les performances ont été améliorées. La brièveté du trajet Terre-Jupiter (20 mois au lieu de 21 pour Pioneer 10) va exiger en effet une vitesse d'injection dans le système solaire particulièrement élevée.
Les trois étages fonctionnant exactement pendant le temps nominal,
la vitesse maximale était atteinte au moment où cesse (après 56 s) le fonctionnement de la TE-M-364-4 : 14 053 m/s. Telle est la vitesse créée par le lanceur - c'est un record absolu, il convient de lui ajouter l'incrément de la rotation terrestre pour obtenir quelque 14500 m/s, cela à une altitude de 229 km, alors que le véhicule spatial ayant survolé l'Atlantique et franchi plus de 4400 km, se trouve déjà au-dessus de l'Afrique (cette vitesse annonce un résidu qui atteindra 9,45 km/s passé la libération de l'attraction terrestre). Près de 14 mn se sont écoulées depuis le lancement : quelques 100 s vont encore être attendues, avant qu'à une altitude légèrement supérieure à 473 km, à une telle célérité, c'est le cas de dire, l'engin prend la tangente Pioneer 11 (260 kg) se sépare de sa fusée porteuse.2°) UN AUTRE PROGRAMME :
L'appareillage est le même, mais le programme de survol est autre. Et en premier lieu, la planète géante n'est pas abordée de la même manière.
Lors du vol Terre-Jupiter, Pioneer 10 avait voyagé sur une orbite solaire 0.99/5.96 UA.
Pioneer 11 a emprunté une orbite 1,00/6,16 UA, entendons une orbite ayant son périhélie au niveau de l'orbite terrestre et son aphélie à 922 millions de kilomètres du Soleil au lieu de 892 millions de kilomètres pour Pioneer 10. Et l'écart. prendra toute sa signification si l'on note que, depuis décembre dernier,, la planète Jupiter, décrivant une orbite dont l'excentricité (0,048) , n'est pas du tout négligeable ; elle lui vaut de graviter autour du Soleil entre 816 et 741 millions de kilomètres , s'est sensiblement rapprochée de son propre périhélie, ces deux circonstances se conjuguant pour valoir à la trajectoire de Pioneer 11 de couper sous un angle plus élevé l'orbite de Jupiter.Lors du survol de Jupiter par Pioneer 11, la réaction de gravitation sera forte, car la sonde va passer 3 fois plus 0près de Jupiter que Pioneer 10 selon un scénario entièrement différent. Dans un référentiel jovien, l'orbite de Pioneer 10 avait été quasi "équatoriale" dans le sens direct, l'objectif ayant été que la sonde fut presque stationnaire par rapport à la Tache rouge. L'orbite de Pioneer 11 est, sinon quasi polaire, du moins fortement inclinée par rapport à l'équateur dans le sens rétrograde.
Cela est une double conséquence de l'inclinaison plus grande de l'orbite solaire suivie sur le trajet Terre-Jupiter ( 3,°1 pour Pioneer 11 au lieu de 2°,1' pourPioneer 10 et des conditions dans lesquelles la planète géante est abordée.
3°) PIONEER 11 S'APPROCHE DE JUPITER :
Parti de Cape Kennedy le 6 avril 1973, a 2 h 11, Pioneer 11 aborde donc à son tour la planète Jupiter. Il a commencé à la photographier à grande distance voici trois semaines. Le matériel est en excellent état. La seule défaillance à bord concerne le système contrôlant le travail des micro-propulseurs en régime impulsionnel : les poussées se situent légèrement au-dessus des valeurs de consigne. Mais les Américains ont évidemment procédé à une recalibration en conséquence, de sorte que la défectuosité peut être purement et simplement oubliée.
D'une masse de 259 kg, dont 30,4 kg d'instruments scientifiques, parmi lesquels se trouve un photopolarimètre à trois angulaires, le plus petit autorisant son utilisation à la manière d'une caméra ce Pioneer 11 relève de la structure de Pioneer 10 qui nous est familière, l'engin possédant sur une antenne à grand gain dirigée vers la Terre, une structure de 274 x 290 cm, que prolongent deux poutres de 205 cm porteuses de quatre générateurs radio-isotopiques au plutonium (SNAP 19, produisant une puissance de 40 W chacun). Les six moteurs à hydrazine créant une poussée de 4 newtons se trouvent à la périphérie du disque. Une tige longue de 610 cm est porteuse d'un magnétomètre, l'engin étant équipé d'un radicomètre infrarouge pour une mesure des températures.
L'objectif est une poursuite de l'étude de la planète géante du système solaire, déjà entreprise il y a presque exactement un an auparavant par Piorieer 10.
Pioneer-11 va passer le 3 décembre à une distance de Jupiter voisine de 42 000 km
, qui apparaîtra étonnamment faible compte tenu de l'intensité de la radiation au voisinage de la planète.Pour mémoire, nous rappellerons que, lorsque l'opération Pioneer-10 avait été décidée, les spécialistes avaient considéré que le matériel devrait supporter 4000 rads lors du survol. C'était déjà 5 fois la dose léthale pour un homme. Puis, on dut admettre dans une seconde analyse, à la lumière des plus récentes données, que la dose atteindrait probablement 10000 rads. On était très au-dessous de la réalité. La surface extérieure de Pioneer 10 reçut en effet l'an dernier rien de moins que 1500000 rads. Bien entendu les équipements se trouvaient largement protégés : le blindage qui les entourait ne réduisit toutefois ce chiffre qu'à 40000 rads en moyenne, avec des pointes qui, dans le cas d'instruments isolés, dépassèrent toutefois 300000 rads..
On avait tablé que, sur la base d'une énergie équivalente à des électrons de 3 MeV, le flux représenterait 1011 particules au cm2. Il atteignit en fait 1013 particules sur la surface exposée à l'espace, les protections n'ayant réduit ce flux qu'à quelque 1012. Et une telle valeur se situait justement dans l'ordre de grandeur du flux limite que le matériel pouvait supporter. Il ne survécut, nous l'avons dit, que de justesse : seul un senseur solaire et quelques composants furent mis hors d'usage.
Pioneer 11 devrait pouvoir opérer sans danger, en dépit de la très faible distance de passage qui a été retenue, en raison d'une part de l'inclinaison de sa trajectoire, et d'autre part de sa très grande vitesse : elle sera proche de 48 km/s, à la distance minimale de Jupiter!
Bien entendu, on s'enquiert de la trajectoire. La vitesse finale d'un lanceur doit en effet être contrôlée avec une précision extrême si l'on vise un objectif lointain dans le système solaire. Or, de ce côté, les nouvelles sont franchement bonnes : il apparaît qu'au cours du voyage les manœuvres de correction ne consommeront qu'une petite partie du combustible dont l'engin a été doté. Les réserves autorisent des impulsions à concurrence d'un total de 0,2 km/s, la répartition pouvant être faite à volonté entre les 6 tuyères ( création de poussées de 200 à 650 grammes-force ).
Précisément une correction de trajectoire est commandée le 11 avril à 1344000 km de la Terre alors que l'engin est sorti du domaine terrestre et que sept de ses instruments ont commencé à envoyer des informations. La manœuvre laissera aux spécialistes la possibilité de diriger la sonde soit vers les satellites de Jupiter, soit vers les régions polaires de la planète qui n'ont jamais pu être observées depuis la Terre et vu qu'il apparaît que Pioneer-10 n'en permettra pas l'étude.
Le 3 décembre, comme prévu, c'est à 5 h 22 (TU) que Pioneer 11 passe à sa distance minimale de Jupiter
(quelque 42OOO km) après avoir pris des photographies qui font voir en gros plan le pôle Sud. Puis, selon le scénario habituel, l'engin poursuit son chemin derrière la planète qui I'éclipse pendant 22 mn, ce qui fournit une nouvelle occasion de sonder son atmosphère. L'occultation intervient avec 11 s d'écart sur les prévisions qui avaient été faites lors de l'entrée de Pioneer 11 dans le domaine jupitérien. Cette valeur va permettre d'une part d'accroître la précision avec laquelle est connue la masse de Jupiter ( le rapport de masses Soleil/Jupiter est 1047,34 à 0.02 près ) et d'autre part d'améliorer le cadastre du système solaire.NB : Les corrections se situent, 4 jours après le tir et un mois après. Après survol des principales planètes, la sonde recoupera l'orbite de Jupiter en 1984.
Voici le message que la sonde emportera dans notre galaxie lorsqu'elle aura quitté notre système solaire.