STABILISATION PAR SPIN

CONTENU : Mis à jour en août 2000, revu sept 2011

I GENERALITES : Comportement gyroscopique - Raideur gyroscopique - Couple gyroscopique

II REPONSE A UN COUPLE CONSTANT :

Equations - Interprétation - Exemple pratique

III DEPLACEMENT DU MOMENT CINETIQUE

Facteur d'efficacité de la manœuvre en présence de spin

IV STABILISATION PAR SPIN

V SATELLITE DUAL-SPIN

VI EFFET STABILISANT DU SPIN EN PHASE PROPULSEE

NB : Le lecteur se reportera au cours sur le mouvement de Poinsot, pour revoir les définitions et conventions d'écriture utilisées dans cette page.

I GENERALITES :

Dans tout ce qui suit, nous supposerons que la rotation axiale est contrôlée en continu par un gyromètre de mesure et un actionneur, par exemple une paire de tuyères fournissant un couple de commande Cm sur l'axe de roulis.

1°) PRINCIPE MECANIQUE :

La stabilisation par "SPIN" ou encore "Raideur gyroscopique", repose sur le résultat capital du mouvement de Poinsot, qui indique que si la rotation du solide est portée par un axe principal d'inertie, cet axe restera fixe dans l'espace inertiel. Nous avons aussi montré que le mouvement libre est stable si cet axe est celui de plus grande inertie, notamment en présence de dissipations internes.

L'étude a également montré qu'en cas d'imperfections du mouvement, l'angle de nutation est d'autant plus petit que la rotation axiale est grande.

QUESTION : Que se passe-t-il en présence de couples externes ? Un rappel de mécanique en 2°), concernant le couple gyroscopique est nécessaire.

2°) COMPORTEMENT GYROSCOPIQUE :

Nous dirons qu'un corps a un comportement gyroscopique lorsque sa rotation axiale est très grande devant sa rotation transversale. C'est le cas des satellites stabilisés par spin, puisque la stabilisation est destiné à maintenir les rotations transverses nulles ou très petites.

Le moment cinétique H se décompose en une composante axiale Cr très grande devant l'autre composante transverse HT.

On dit qu'on utilise l'APPROXIMATION GYROSCOPIQUE lorsqu'on néglige la composante transversale de H devant sa composante axiale Cr .

De même le moment ou couple des efforts extérieurs appliqués au satellite possède une composante axiale et une composante transversale. Cette dernière est annulée par la commande des tuyères en roulis.

On supposera donc que l'on confond le moment cinétique avec sa composante axiale et on appelle P l'extrémité du moment cinétique approché. Le mouvement de P a l'avantage de nous renseigner fidèlement sur le mouvement de l'axe satellite et donc du dépointage ou de la nutation.

Le théorème du moment cinétique appliqué en repère inertiel donne :

Ceci nous donne un premier résultat fondamental en gyroscopie :

 

LA VITESSE Va(P) DE L'EXTREMITE P DU MOMENT CINETIQUE EST EGALE AU MOMENT TRANSVERSE DES EFFORTS EXTERIEURS APPLIQUES AU VEHICULE

NB : Ne soyez pas étonné de l'apparente différence dimensionnelle de la vitesse et du moment donnés pour égaux. En effet la longueur OP qui a été dérivée a pour dimension celle d'un moment cinétique.

PARADOXE GYROSCOPIQUE :

Normalement le bon sens mécanique habituel indique qu'un couple appliqué à un solide a tendance à créer une rotation dont l'axe est proche de celui du couple appliqué.

Ici, on constate que la vitesse de P est parallèle au couple, ce qui constitue un paradoxe et conduit à la règle suivante :

TENDANCE AU PARALLELISME :

L'axe d'un gyroscope a tendance a s'aligner sur le couple appliqué et par conséquence sur la rotation qu'on veut lui appliquer.

C'est cette propriété qui empêche une toupie de "tomber" et lui fait prendre un mouvement conique.

RAIDEUR GYROSCOPIQUE :

Appelons w la mesure de la vitesse angulaire transversale qui est engendré par le couple.

Cette vitesse porte le nom de précession du gyroscope, c'est elle qui engendre la nutation.

Couple --> Vitesse de P --> rotation transverse

Le lecteur vérifiera sans peine qu'exprimée en norme :

Va(P) = w*OP = w * H = w*Cr

Ainsi :

Montrant que w est d'autant plus petite que la rotation r est grande. Cet effet du spin s'appelle la "RAIDEUR GYROSCOPIQUE", c'est elle qui associée à un fort moment d'inertie donne au gyroscope des réactions aussi lentes et d'amplitude réduites lors d'une perturbation transverse.

La RAIDEUR GYROSCOPIQUE est aussi la propriété

3°) COUPLE GYROSCOPIQUE :

Explicitons l'application du théorème du moment cinétique sous l'hypothèse d'une nutation très faible :

Comme la rotation r sous asservissement est maintenue constante, on en déduit :

Nous avons introduit un couple Cg appelé couple gyroscopique. Il n'existe que si la rotation du véhicule n'est pas portée par l'axe de spin.

REMARQUE :

Ce couple gyroscopique apparaît comme une réaction du gyroscope à s'opposer à toute rotation qui dérangerait son équilibre et son pointage stable.

De même ce couple gyroscopique s'oppose à l'action des couples extérieurs qui ont tendance à vouloir le faire tourner.

C'est ce phénomène qui explique les comportements spéciaux des corps tournants.

II CAS D'UN COUPLE CONSTANT

Ce paragraphe pourrait être considéré comme un exercice de mécanique générale. Nous supposons que le satellite est de révolution inertielle ( A = B )autour de l'axe k où l'inertie est C.

La suite s'intéresse à l'évolution de la rotation transversale w.

1°) PROBLEME :

Le contrôle d'un satellite est réalisé par un système de tuyères en nombre pair, fonctionnant en tout ou rien, délivrant un COUPLE CONSTANT EN AXES SATELLITE noté :

La disposition des tuyères permet de contrôler chaque axe séparément.

L'axe de roulis est celui du spin.

Il est clair que durant le fonctionnement du contrôle actif par tuyères, le niveau des couples est très grands devant celui des perturbations qui seront donc négligées.

1°) EQUATIONS DU MOUVEMENT :

Le lecteur établira en adaptant les calculs du mouvement de Poinsot :

Pour la suite nous supposons la vitesse de spin r stabilisée et donc le couple GX nul.

On pose une variable complexe Z = p+iq intimement liée au mouvement

Z est l'affixe de la rotation transversale w, dans les axes i et j.

L'équation (3) confirme r = W = Cste

La combinaison de (1) et (2) donne après mise en forme de l'équation, une forme agréable pour son exploitation :

2°) INTEGRATION ET SOLUTION :

L'intégration de l'équation donne avec l'utilisation des constantes l, W* et Z0 :

3°) INTERPRETATION DU MOUVEMENT :

Nous touchons au cœur du problème de la commande par tuyères et du contrôle de la nutation.

Il faut bien comprendre que le complexe Z(t) représente dans les axes i et j ( ou pet q ) liés au satellite les composantes de la rotation transversale w, celle même qui est responsable de la nutation parasite du satellite.

Le résultat de 2°) montre clairement que pendant l'application du couple de commande, dans le plan transverse du satellite et vu du satellite, le vecteur w décrit un cercle de centre O* d'affixe Z* et de rayon R* = |Z0 - Z*|, à une vitesse angulaire constante W*, autour de l'axe de spin k. Le sens de ce mouvement dépend de la valeur de l'allongement inertiel l par rapport à 1, en général l > 1.

Un CONTROLE DE LA NUTATION équivaut à ANNULER Z(t).

NB 1 : Tout changement dans la commande se traduit par un décalage du centre de nutation et donc du rayon du cercle. Même si c'est difficile à imaginer il faut faire l'effort de réfléchir à cette question, qui est à la base de toute stratégie de commande d'un engin spatial.

Le centre du cercle décrit par w a pour coordonnées Z*=p* + iq* avec

Le rayon du cercle vaut :

NB2 : Comme les moteurs fonctionnent en tout ou rien et en parallèle ou pas, il y a 8 possibilités de commande. En pratique une bonne stratégie consiste à n'utiliser qu'un seul couple de tuyères à la fois.

NB 2 : Le lecteur n'oubliera pas que le mouvement de nutation est créé par w et que la rotation induite s'opère autour du moment cinétique H. Or toute application d'un couple transverse déplace le moment cinétique en axes inertiels. Il faut donc combiner ces 2 mouvements, pour obtenir la trajectoire absolue du moment cinétique.

 

3°) EXEMPLE THEORIQUE DE CONTROLE :

L'exemple est purement mathématique, mais pourrait fort bien être utilisé en pratique, pour annuler une nutation. M est l'extrémité de w.

On appelle G la norme du couple créé par 2 tuyères opposées. On introduit les points O1, O2, O3, O4 centres de cercles possibles à décrire suivant les tuyères mises en jeu.

1- Au départ le satellite est en nutation, style Poinsot (cercle Co)

2 - Au temps to, un capteur détecte en Mo, qo = 0, et alerte les tuyères agissant sur l'axe j, avec un couple G1 = - G j.

Le cercle décrit par M est alors C1, de centre O1.

3 - Au temps t1, le point M est M1 tel que O2M1= O2O = R. Les tuyères précédentes sont stoppées et sont alertées celles donnant un couple G i.

Le point M décrit alors le cercle C2 qui ramène la nutation à 0. Deux opérations ont suffit.

La figure suivante illustre la logique du contrôle en nutation :

NB : Il restera encore à contrôler que l'axe de spin est bien pointé et donc éventuellement à déplacer l'axe de spin sans créer de nutation parasite.

4°) EXEMPLE PRATIQUE DE CONTRÔLE :

On peut aussi travailler en impulsions de courte durée, par exemple sur une détection q = 0 et en appliquant un couple <0 porté par j. L' extrémité de w va "spiraler" autour de l'origine et donc le module diminue. La figure ci-dessous montre l'évolution.

 

III DEPLACEMENT DU MOMENT CINETIQUE :

C'est le second volet du contrôle d'attitude par spin. Le moment cinétique doit posséder 2 propriétés :

1 - Etre porté par l'axe de spin, ce qui est réalisé lorsque la nutation est annulée.

2 - Etre pointé dans la direction souhaitée. Lorsque cette condition n'est pas satisfaite, le moment cinétique doit être déplacé.

Pour simplifier l'écriture mais sans restreindre la généralité du calcul, nous supposons que le couple G créé est porté par l'axe j.

 

Il faut bien comprendre que le satellite est spinné et donc que l'effet du couple est modifié par le spin.

Le point de départ est le théorème du moment cinétique appliqué en axes inertiels:

Le signal de déclenchement des tuyères est donné d'après une référence soleil, de manière à ce que la variation de H soit bien positionnée.

Calculons l'effet de la manœuvre, en notant Dt le temps d'allumage et DF la rotation de spin effectuée durant Dt.

On appelle facteur d'efficacité la quantité:

IV STABILISATION PAR SPIN :

Nous abordons ici, l'aspect pratique du contrôle d'attitude par spin. Par commodité nous avons positionné 2 tuyères sur l'axe i, donnant un couple G sur l'axe j.

1°) Repérage de l'axe de spin et mesure de la nutation:

Sous l'effet des couples perturbateurs externes, l'axe de spin dérive et le moment cinétique aussi.

L'axe de spin précessionne autour du moment cinétique H qui n'est pas dans la bonne direction.

 

 

a) Mesure de la direction de l'axe de spin k :

Un senseur terre-soleil suffit pour reconstituer la direction de k, connaissant celle de satellite-terre et satellite-soleil.

b) Contrôle de la vitesse de spin r:

Soit par un gyromètre sensible sur l'axe k, soit le senseur ESS en mesurant la période de défilement du soleil ou de la terre. La correction est effectuée par 2 tuyères donnant un couple suivant l'axe de spin k, donc sans en modifier le pointage.

2°) Déplacement de l'axe de spin :

Il s'agit alors de réaliser 2 opérations :

a) - Réorientation du moment cinétique H : pour cela on ouvre une tuyère déclenchée sur un "top" à un instant T après un "top" de référence de passage soleil, par ESS. On ouvre cette tuyère durant un temps DT de manière à ce que le vecteur DH soit correct, quitte à recommencer plusieurs fois l'opération.

NB : Le déplacement du moment cinétique, sauf hasard heureux où l'axe de spin "tombe pile" sur H, crée inévitablement un mouvement de précession.

b)- METHODE POUR EVITER UNE NUTATION IMPORTANTE :

La manœuvre de réorientation de H est"éclatée" en 2 parties, dans lesquelles on délivre la moitié de la correction de H.

En A au temps to, on délivre DH/2, l'extrémité de H vient en B. Un mouvement de nutation s'amorce et l'extrémité de H vient en C au bout sensiblement d'une demi période de nutation Tn.

Au temps to+Tn/2, on délivre DH/2 à nouveau. Très sensiblement l'axe de spin et le nouveau moment cinétique sont colinéaires et la nutation résiduelle est faible.

c) Amortir le mouvement de nutation qui commence

après réorientation du moment cinétique : En effet le nouveau moment cinétique n'est pas exactement sur l'axe k et donc s'amorce une nutation qu'il faudra réduire, pour retrouver un pointage correct suivant H. De plus les perturbations sont là pour amplifier ce mouvement.

Les stratégies pour y parvenir sont nombreuses, voir plus haut.

V SATELLITE DUAL-SPIN :

Un "Spinner" (satellite spinné) présente un inconvénient évident et majeur qui est l'impossibilité de pointer une charge utile embarquée ( télécommunications, caméras, télescope...) et des avantages d'avoir une régulation thermique plus simple( pas de face froide et de face chaude), ainsi que la possibilité de disposer des cellules solaires sur la surface externe du satellite.

Ce problème a été résolu par un compromis, le satellite "DUAL-SPIN".

Il est composé d'une partie spinnée(rotor), équipée de cellules solaires et d'une plate-forme déspinnée(inertielle), porteuse des équipements nécessitant notamment un pointage strict.

VI PHASE PROPULSEE :

Profitons de ce cours pour montrer sur un cas concret l'effet stabilisant du spin lors d'une phase propulsée de lanceur,.à l'occasion d'une manœuvre importante d'apogée ou d'évasion ....

1°) PROBLEME :

1 - Le lanceur est orientée dans la bonne direction

2 - Il est mis en SPIN de vitesse angulaire W autour de son axe longitudinal, principal d'inertie. Il peut subsister une petite nutation parasite due aux erreurs de pointage...mais considérée comme nulle

3 - Le moteur supposé à tuyère fixe(moteur à poudre) est allumé durant un temps Tc. De toute évidence l'axe de la poussée ne peut passer par le centre d'inertie et donc apparaît un couple dû à ce mésalignement. Nous le noterons en module :G = F d, où F est la force, d la distance du centre d'inertie G à l'axe de la force de poussée.

NB : Il est clair que le défaut ne dépend que du lanceur et de son moteur, donc le couple parasite transverse est constant en axes satellite et le calcul relève de la théorie développée en II.

2°) RESULTAT: MOUVEMENT DE ROTATION :

Rappelons qu'avec Z = p + iq, Zo = po + iqo nous avons trouvé comme résultat général :

Nous pouvons admettre qu'au moment de l'allumage la stabilisation du pointage est achevée et que la rotation transversale est nulle ( Zo = 0 )

La nutation est caractérisée essentiellement par la norme de la rotation transversale( composantes p et q) donc par la norme du complexe Z, affixe de w.

Le calcul montre explicitement que la nutation est limitée et que son amplitude est d'autant plus petite que la vitesse de spin est grande, surtout en apparaissant au dénominateur avec son carré.

C'est une vérification éclatante de la notion de RAIDEUR GYROSCOPIQUE.

L'effet gyroscopique, en faisant tourner le couple avec le lanceur, moyenne les effets du mésalignement de la poussée.

VI CONCLUSION :

En résumé un contrôle d'attitude par SPIN est relativement simple et ne demande qu'un nombre limité d'équipements:

 3 tuyères : 1 pour déplacer l'axe de SPIN, 2 pour réguler la vitesse de spin

 2 senseurs: 1 senseur Terre et un senseur Soleil

 Si le système est doté d'un contrôle de nutation passif, un senseur de nutation.

 Enfin un amortisseur passif est éventuellement nécessaire.

 

Guiziou Robert 12 août 2000, sept 2011