GENERALITES LANCEUR |
Mise à jour octobre 2004, revu sept 2011 Lanceurs
français | Lanceurs étrangers | Filière Ariane | Ariane 5 | Dénominations | Missions associées | Ergols - Propergols - Poudres | Expression de la
poussée | Impulsion
spécifique | Exemples de moteurs | Impulsion
spécifique équivalente
| Notions
attachées à un moteur |
Figure | IV PROBLEMES LIES A LA POUSSEE Stabilité d'un lanceur | Fusées de séparation | Fusées d'accélération | |
|
Ce
premier cours est destiné à présenter au lecteur les grandes lignes de l'architecture
d'un lanceur et les principales notions qui lui sont attachées. Ceci permettra
de mieux comprendre les calculs futurs.
Si
certes les chinois, au début du deuxième millénaire, ont inventé la fusée à
poudre, nous n'allons pas donner une liste exhaustive de tous les types de
fusées et de leur divers usages. Seuls seront mentionnés les lanceurs qui ont
marqué l'esprit depuis 1950 et qui restent dans les mémoires.
Deux
grands hommes ont marqué de leur empreinte, le développement des fusées et des
lanceurs, l'allemand Von Braun récupéré par les USA et le russe Korolev, père
des véhicules spatiaux soviétiques.
Les
techniques spatiales ont été, depuis 1950, l'apanage des deux grandes
puissances USA et URSS, avec une concurrence acharnée, pour des raisons que
tout le monde connaît. Curieusement durant 20 ans ce sont les russes qui ont
été souvent les premiers. En matière de lanceurs notamment, les russes avaient
choisi un type de lanceur qu'ils ont sans cesse fait évoluer, sans jamais
prendre de risques innovateurs, possédant ainsi des lanceurs très fiables par
rapport à ceux des US, beaucoup plus innovants. La littérature soviétique est
plutôt avare d'informations, ainsi nous rappelons trois célèbres lanceurs
américains :
A) TITAN III C :
Avec
cette fusée, les américains mettent au point le concept de
"Boosters". En effet, le premier étage à ergols liquides de 213
tonnes de poussée, est flanqué de 2 propulseurs d'appoint à poudre, développant
chacun 545 tonnes de poussée.
B ) SATURNE :
C'est
certainement le plus gros lanceur construit par l'homme. Composé de trois
étages, sa masse avoisinait les 2720 tonnes sans la masse utile de 45 tonnes,
destinée à une mission lunaire bien connue de tous.
Saturne
V pouvait envoyer 120 tonnes en orbite basse circumterrestre.
ETAGE I : 2135 tonnes, une poussée 33450 kN
ou encore 3400 tonnes, durée de combustion 150 s pour 2000 tonnes d'ergols et 5
moteurs.
ETAGE II :
469 tonnes, une poussée de 4454 kN ou encore 454 tonnes, durée de combustion 37
s, pour 430 tonnes d'ergols et 5 moteurs
ETAGE III :
116 tonnes, une poussée de 890 kN ou 91 tonnes, durée de combustion 360 s, un
seul moteur
B ) SHUTTLE : Premier concept de lanceur réutilisable.
Dans les années 70, la National Aeronautics and Space Administration (NASA) met au point la navette pour servir de vaisseau spatial et de fusée réutilisable. Le 12 avril 1981, après 10 ans de travaux, la première navette Columbia est lancée. Voir site http://www.chez.com/dios/Espace/Shuttle.htm
Actuellement
quatre navettes sont utilisées Columbia, Discovery, depuis 1984,
Atlantis, arrivée en 1985, et Endeavour, qui remplace en 91 Challenger,
détruite en 1986.
2°) LANCEURS FRANCAIS ET EUROPEENS:
L'industrie spatiale française a réellement pris son
essor avec le premier lanceur de 24 tonnes d'une lignée appelée DIAMANT , la version DIAMANT B satellisait 115 kg
en orbite circulaire à 500 km. La base de tir était située à Hammaguir dans le
Sahara, utilisée dans les années 70. Le premier tir, avec le satellite A1, fut
réalisé le 26 novembre 1965
Avec
les lanceurs EUROPA I, II, III de 200
tonnes environ, I et II construits en coopération européenne ce fut un échec,
la France innovait ensuite avec un deuxième étage entièrement cryogénique de 20
tonnes d'ergols ( hydrogène et oxygène liquides). Cette nouvelle technologie,
peut être mal maîtrisée à l'époque a conduit à l'abandon du projet. Les
connaissances acquises en propulsion cryotechnique, ne sont pas perdues pour
autant.
Le
besoin d'indépendance nationale a amené la France a se lancer seule dans
l'aventure spatiale, avec l'essai de réalisation du lanceur lourd L3S, précurseur du lanceur Ariane 1.
Avec
les études du L3S (version restée papier
qui a débouché sur Ariane), le moteur cryogénique est mis au point et l'orbite GTO pourra être
atteinte avec une charge de l'ordre de 1600 kg. Ses 3 étages se nommaient:
N°1--> L150 avec 140
tonnes d'ergols, (UDMH+N2O4) et une poussée sol de 241 tonnes, c'est le premier
étage de la fusée Europa.
N°2 --> L30 emportant 30
tonnes des mêmes ergols que l'étage 1 et une poussée dans le vide de 70 tonnes
N°3 --> H6 avec 6 tonnes
d'ergols cryogéniques (LH2+LO2) et 6 tonnes de poussée dans le vide
Enfin
arrive la filière ARIANE, dérivée
immédiate du L3S qui n'a jamais volé.
La
France entraîne l'Europe dans l'aventure spatiale, sous la direction conjointe
du CNES, maître d'œuvre du lanceur, et de l'ESA (Agence Spatiale
Européenne) ,fin 1973.
La
société commerciale Arianespace est crée en Mars 1980.
Ariane 1 lanceur possède 3 étages (L140, L33, H8 ), avec 210 tonnes au décollage
et une masse utile de 1800 kg en GTO.
Ariane 2 est une version améliorée de son prédécesseur, avec un étage 3 plus
important nommé H10, 220 tonnes au décollage et 2175 kg en GTO.
Ariane 3 marque un pas décisif avec l'adjonction de deux propulseurs d'appoint à
poudre (PAP), portant la masse à 240 tonnes et une performance de 2700 kg en
GTO.
Ariane 4 franchit encore un pas, avec l'allongement de l'étage 1 porté à 226
tonnes d'ergols, et l'adjonction possible de 4 propulseurs d'appoint, soit à
poudre (PAP) soit à liquides (PAL) ou mixte ( 2 PAL+2 PAP.) Le lanceur se
décline alors en version 40 de base, 42 P, 42 L, 44P, 44 LP, 44 L la plus puissante.
Ce lanceur qualifié de versatile peut envoyer en GTO une charge entre 2100 kg
et 4220 kg avec une masse maximale de 480 tonnes.
Le lecteur intéressé par les détails, pourra se connecter sur le site : http://www.arianespace.com/francais
La
prochaine décennie est celle qui verra les succès du lanceur Ariane 5, en phase
de mise au point, au moment où s'écrivent ces lignes. Les développements qui
suivent lui sont consacrés.
a)
Naissance et grandes lignes du projet :
La
décision européenne a été prise en 1987 à La Haye, de construire un lanceur
lourd nouveau, performant et apte au vol habité, versatile. La performance est
de 6500 kg en lancement simple GTO, avec périgée à 580 km et 10000 kg en orbite
héliosynchrone 800 km.
Ce
lanceur est prévu pour participer à la mise en place de la station orbitale
internationale basse, puisque sa performance est de l'ordre de 18.5 tonnes.
L'emport
d'un véhicule spatial est prévu, y compris habité.
Faisant
concurrence aux lanceurs US, en transfert lunaire, Ariane enverra environ 4500
kg.
La
polyvalence du lanceur est assurée par une partie base commune à tous les
lanceurs et une partie haute adaptable à la mission.
b)
Architecture du lanceur :
Le
dessin est une copie d'un document aérospatiale. Nous donnons les éléments et
le maître d'œuvre du composant cité.
La
hauteur totale du lanceur varie de 45 à 55,4 m. La masse au décollage va de 745
à 750 tonnes. La poussée au décollage est 11360 kN.
1 - Moteur Vulcain (SEP) :
C'est
le moteur de l'étage EPC ( Etage à Propulsion Cryotechnique)
. 2 -Etage d'Accélération à Poudre (
Aérospatiale) :
Ce
sont les 2 EAP, propulseurs à propergols solides de masse 270 tonnes chacun, de
poussée unitaire 640 tonnes, contenant 237 tonnes de poudre brûlant 130 s.
3 -Etage à Propulsion Cryotechnique ( Aérospatiale) :
C'est
l'EPC de masse totale de 170 tonnes , avec 25 t de LO² et 130 t de LH²,
fonctionnant 570 s et une poussée de 100 tonnes.
4 -Moteur à propergol solide ( Europropulsion) :
5 -Case à équipements ( MMS) :Cerveau électronique du lanceur, avec ses centrales
inertielles, le système de pilotage et de guidage, les calculateurs .....
6 -Etage A propergols Stockables ( DASA) : Nommé EPS, avec un moteur
AESTUS de masse 1150 kg, doté d'une poussée de 27.5 kN, contenant 9.7 tonnes
d'ergols fonctionnant 1100 s. Son fonctionnement est extra atmosphérique. Il
est réallumable et contribue à l'adaptabilité du lanceur.
7 -SPELTRA ( Dornier) : Structure Porteuse Externe pour un Lancement
multiple Ariane. Elle permet des lancements doubles de deux satellites.
8 -Satellites Clusters du vol 501 :
9 -Coiffe ( OERLIKON-CONTRAVES) : Constituée de deux demi coquilles, elle protège
les satellites des agressions externes. D'un volume de 200 m3 elle a une masse
de 1750 kg. Cette coiffe est larguée dès que la pression dynamique chute au
dessous d'un certain seuil, le largage est assuré par un dispositif
pyrotechnique.
c)
Schéma général de la mission :
Nb : La
récupération EAP à titre expérimental
La
trace lanceur stations de poursuite ( Kourou, Natal, Ascension,
Hartebeesthoeck, Malindi ) sont visibles sur le dessin ci-dessus.
http://212.180.3.157/arianespace/english/archives/v148-wm-high.htm
si vous voulez visionner des
séquences de lancement Ariane 4 ou Ariane 5
Le
terme générique employé pour les véhicules spatiaux destiné au lancement de
charges importantes, est LANCEUR, notamment pour
les tirs d'applications civiles. Jusqu'en 1999, les tirs ont toujours été
effectué à partir de bases terrestres, avec un lanceur érigé à la verticale.
Mais en 99, les soviétiques ont réalisé le premier tir depuis une plate-forme
en plein océan, située sur l'équateur, ce qui est excellent pour les tirs GTO.
On
parlera de MISSILE pour des engins militaires,
la plate-forme de tir pouvant être fixe et terrestre ou mobile (sous-marin ...)
Le
terme FUSEE est souvent réservé à
l'expérimentation, aux petits engins, et pour des applications civiles,
notamment en météorologie avec les fusées-sondes.
Mise en orbite d'un satellite : c'est la mission la
plus courante, consistant à "injecter" une charge utile de quelques
dizaines de kg à plusieurs dizaines de tonnes, en orbite autour d'une planète
(satellite) ou du soleil (sonde spatiale). Les vitesses à l'injection sont
comprises entre 8 et 16,5 km/s.
Correction d'orbite : Lorsque la manœuvre nécessite un
incrément de vitesse important de l'ordre du km/s, un moteur spécial est dédié
à cette tâche. Par exemple :
Un
moteur d'apogée pour circulariser une orbite GTO et passer en géostationnaire
Un
moteur de périgée pour une insertion près d'une planète, comme Mars où l'homme
ira un jour prochain.
Un
moteur pour "décrocher" d'une orbite circumterrestre pour une
injection vers la lune ou une évasion interplanétaire.
Dans
ces cas le moteur est utilisé une seule fois, deux au maximum.
Maintenance d'orbite : Le moteur est alors intégré au
SCAO ( Système de Contrôle d'Attitude et d'Orbite), son rôle consistant
périodiquement à rétablir, par un incrément de vitesse modéré de l'ordre du m/s
à 50 m/s, les paramètres orbitaux nominaux qui dérivent sous l'effet des
perturbations (par exemple la perturbation luni-solaire).
De
tels moteurs sont aussi utilisés dans des manœuvres de rendez-vous, demandant
un grand nombre de très petites impulsions très précises durant le
rapprochement de deux vaisseaux, avant arrimage.
Freinage de déorbitation : Lorsqu'une capsule, en
orbite autour d'une planète, souhaite "atterrir", un impulsion de
freinage est nécessaire. On parle de déorbitation et l'incrément de vitesse est
de l'ordre de la centaine de m/s, donc non négligeable. Une telle manœuvre
était pratiquée couramment par les astronautes revenant de la station Mir dans
les années 1990-2000. Elle sera obligatoire pour un posé sur Mars, d'une charge
importante.
Quand
les américains sont revenus de la lune, un ultime freinage a été nécessaire
avant l'entrée dans l'atmosphère terrestre, pour "caler" l'angle de
rentrée à 6°.5. C'était le CSM (Command Service Module) qui assurait cette
mission.
"Atterrissage" en douceur sur un astre.: Il
suffit de se souvenir de l'arrivée des premiers hommes sur le sol lunaire. La
descente était freinée jusqu'au posé final, par un moteur fonctionnant en
rétrofusée.
Départ d'un astre : Ceci n'a été expérimenté en vol
humain que sur la lune dont il fallait bien repartir pour revenir sur terre. Un
moteur d'une partie du LM ( Lunar Module) était nécessaire
Contrôle d'attitude : Tout véhicule spatial,
séjournant longtemps dans l'espace, doit pour ses applications propres, être
stabilisé autour de son centre d'inertie. On appelle ceci le Contrôle
d'Attitude. Des moteurs (actuateurs) à très faible poussée, disposés en nombre
pair et avec des poussées opposées (pour ne pas créer de résultante perturbant
l'orbite), génèrent des couples de commandes, autour des 3 axes de roulis,
lacet et tangage, pour maintenir une attitude programmée. Cette technique est
extrêmement délicate et demanderait à elle seule, des développements qui
sortent du cadre de ce cours.
Fusée d'accélération : Tout étage à ergols liquides,
sauf l'étage 1, est équipé de fusées en nombre pair, créant sur le lanceur, une
résultante de poussée parallèle à son axe. Ce sont les fusées d'accélération,
destinées à "plaquer" les ergols en fond de réservoir, pendant les
phases interétages, en quasi apesanteur, afin d'éviter que les liquides ne
"flottent" dans les réservoirs au risque d'empêcher l'amorçage des
turbopompes.
Fusée de séparation : Tout étage est muni de fusées,
en nombre pair, destinées à éjecter vers l'arrière un étage éteint, opération
appelée largage de l'étage.
Réparation dans l'espace : Tel est le concept de la
navette US qui réalise à la fois des satellisations et des récupérations de
satellites à réparer.
3°) ERGOLS-PROPERGOLS-POUDRES :
Ces
trois noms sont donnés aux composés chimiques dont la combustion dans la
chambre de combustion permet l'éjection très rapide de gaz et la création d'une
poussée.
Ergols liquides : Les composants sont stockés dans des réservoirs séparés puis amenés
par des turbopompes dans la chambre de combustion, mélangés et brûlés. Ces
ergols sont dangereux à manipuler et ne peuvent rester longtemps dans les
réservoirs, obligeant à des vidanges, lorsqu'un vol est retardé. Ils sont
essentiellement utilisé pour les applications civiles.
La
possibilité de stopper l'arrivée de carburant, amène donc au concept de moteur réallumable.
Exemples :
Kérosène - oxygène liquides, ergols du premier étage de SATURNE V
Hydrogène - Oxygène liquides ( LH2+LO2), qualifiés d'ergols
cryogéniques, à très basse température, ce qui nécessite une isolation
de l'étage sur le pas de tir et un dégazage périodique des réservoirs pour
éviter les surpressions. Ce couple d'ergols est extrêmement performant.
Les
moteurs cryogéniques équipent toutes les versions du lanceur Ariane avec
l'étage 3 des versions 1 à 4 et l'EPC du lanceur Ariane 5.
Les
USA avaient commencé à utiliser ces ergols sur la très puissante fusée
Atlas-Centaur vecteur des sondes Voyager et Pionneer, et continuent sur les
navettes actuelles. Par exemple la navette US (Shuttle) emporte dans son
réservoir central, 100 t d'hydrogène et 600 t d'oxygène, pour alimenter ses
moteurs cryotechniques.
Diméthylhydrazine + Peroxyde d'azote, couple utilisé pendant des
décennies par de nombreux lanceurs français ( Diamant, Europa, L3S, Ariane 1 à
4)
Ergols solides :
Utilisés
par les militaires pour les missiles, le combustible solide ( pains de poudre
plastique empilés) est stocké et brûlé dans le moteur même. Ces ergols sont
stockables et facilement transportables, et donc pratiques pour des tirs non
programmés.
La
combustion , une fois initiée, ne peu pas être arrêtée. C'est un fonctionnement en bombe. C'est le concept de moteur non réallumable.
Ces
moteurs sont couramment utilisé comme moteur d'apogée, servant à une
circularisation d'orbite GTO.
Le
premier lanceur Diamant possédait un étage à poudre.
Un
inconvénient longtemps rencontré d'un moteur à poudre réside dans sa
technologie de tuyère fixe, interdisant une stabilisation du lanceur par
braquage de la tuyère. Une stabilisation gyroscopique résout le problème.
La
navette US possède 2 "boosters" à propergols solides de 500 t de
poudre chacun.
NOTE : Les
propergols solides actuels sont constitués de caoutchoucs synthétiques mélangés
au cours de la fabrication à un comburant tel le perchlorate d'ammonium. Les
caoutchoucs sont de bons carburants avec l'avantage d'une certaine flexibilité,
qui leur évite de se fissurer. Le mélange caoutchouc synthétique et perchlorate
d'ammonium est encore amélioré par l'adjonction de poudre métallique
d'aluminium par exemple.
Ergols hybrides : Dans une fusée hybride, le carburant est souvent un matériau plastique
solide, et le comburant oxygène ou quelquefois acide nitrique, liquide. Le
système mixte associe les avantages des solides de manipulation plus aisée, et
ceux des liquides avec la possibilité de moduler ou stopper la combustion,.
L'utilisation des systèmes hybrides est ainsi bien adaptée à des systèmes de
freinage ou de correction de vitesse.
Ergols hypergoliques : c'est le qualificatif d'un couple d'ergols dont la combustion est
initiée uniquement par la mise en contact des ces ergols, dans la chambre de
combustion. C'est le cas LH²+LO².
III LE MOTEUR FUSEE ET LA
PROPULSION PAR REACTION :
La
mécanique newtonienne nous apprend que , dans le vide, le seul moyen* de
générer une force autre que la gravitation, est l'éjection de masse.
Classiquement par le jeu d'un échange de quantité de mouvement entre la masse
éjectée et le lanceur motorisé, il se crée un effet de réaction sur le lanceur,
qu'on appelle POUSSEE REACTIVE. Tous les
cours de mécanique illustrent ce phénomène. Si le processus ne met pas en jeu
des gaz, alors :
*
La lumière du soleil est
présente, par exemple dans le vide, autour de la terre et peut générer une
force par la pression photonique, mais à des niveaux extrêmement faibles.
Dans
le cas d'un moteur fusée, l'éjection est réalisée par un processus chimique
mettant en jeu des gaz sous pression. De plus si un tel moteur est utilisé sur
un premier étage traversant l'atmosphère, il existe une pression de l'air
autour du lanceur, dite pression ambiante. Le lecteur consultera un cours de
propulsion, pour admettre ou calculer que la poussée d'un moteur fusée
chimique, se calcule par la relation : : Voir
explications détaillées
q
( kg/s) |
Débit
massique, en général constant, car correspondant à un régime des turbopompes
pour les ergols liquides. Pour les poudres c'est moins évident, mais en
moyenne le débit est constant. |
Ve
(m/s) |
Vitesse
d'éjection des gaz au niveau de la sortie des tuyères. Cette vitesse est vue
du lanceur et correspond à celle mesurée au banc d'essai |
Se
(m²) |
Section
de sortie des tuyères. |
Pe
(Pa) |
Pression
des gaz au niveau de la sortie de section Se. |
Pa(Z)
(Pa) |
Pression
ambiante en atmosphère calme, à l'altitude où se trouve le lanceur. C'est par
exemple donné par une atmosphère standard. |
REMARQUES:
La poussée d'un moteur fusée est donc fonction de l'altitude; et croît avec
celle-ci. Les caractéristiques technologiques d'un moteur font souvent
apparaître deux poussées, celle au sol et celle dans le vide. L'écart entre les
deux est de l'ordre de 10 %.
Pour
un moteur deux notions sont importantes: le débit massique et la poussée qui en
résulte. La nature même des ergols conditionne le processus chimique de
combustion et naturellement la vitesse d'éjection, qui peut énormément varier.
Une
caractéristique capitale d'un moteur est la poussée produite par kg d'ergols
brûlés éjectés. Ce rapport s'appelle IMPULSION
SPECIFIQUE ( Isp ) ou POUSSEE SPECIFIQUE ( Psp ). Nous confondrons les deux
notions
Isp
se mesure en m/s ou N-s/kg, comme Ve. |
NB1: Une
étude thermodynamique montrerait que la poussée dans l'atmosphère, est maximale
quand pe = pa, on dit alors que la tuyère est adaptée.
L'expression
de la poussée devient alors simple F = q Vs.
NB2 : On trouve encore en vigueur chez les spécialistes et
couramment employée, une unité spéciale, la seconde (s),
provenant de l'époque où les forces étaient mesurées en kilogrammeforce ( 1
kgf' = 9.81 N ).
L'impulsion
spécifique était définie comme "LE TEMPS PENDANT LEQUEL LA CONSOMMATION DE
1 kg DE PROPERGOL PRODUIT UNE POUSSEE DE 1 kgf, SOIT 9.81 N".
Cette
unité, au demeurant fort respectable, présente l'inconvénient d'introduire l'accélération
de la pesanteur, ou du moins le facteur fixe 9.81, dans certaines formules , en
particulier F = q*g*Isp, même si la mission est martienne ou lunaire. Cette
référence terrestre devrait être abandonnée. Sur le site elle le sera.
NB3 :En effet si DT = Isp(s) est ce temps, le débit correspondant
à une consommation de 1 kg d'ergols est 1/ DT, fournissant une poussée de 1 kgf = 9.81 N,
donc (1/ Isp(s))* Isp(m/s)=9.81
N, ce qui fournit le résultat de conversion ci-dessous : Isp(m/s) = 9.81*
Isp(s)
Vous rencontrerez, sachez alors et n'oubliez pas que : Isp ( m/s) = Isp ( s )*g =
9.81*Isp( s )
CAS DES MOTORISATIONS MULTIPLES :
L'observation
de la motorisation des lanceurs de la famille Ariane 44, par exemple 44LP,
montre que juste après le décollage, fonctionnent plusieurs moteurs en
parallèle.
-
Le moteur central VIKING, poussée FVK débit qVK et
Impulsion spécifique IspVK.
-
2 PAP symétriques, poussée totale FPAP, débit total qPAP
et impulsion spécifique IspPAP.
-
2 PAL symétriques, poussée totale FPAL, débit total qPAl
et impulsion spécifique IspPAL.
On
peut considérer l'ensemble comme un seul moteur de débit équivalent Qeq,
de poussée équivalente Ispeq.
La
définition classique donne le résultat.
De façon générale, on retiendra que
l'IMPULSION SPECIFIQUE EQUIVALENTE est la
moyenne pondérée par les débits, des impulsions spécifiques de tous les
moteurs.
NB : . Il en est de même de ARIANE 5 dans toutes ses versions
existantes ou à venir 5G, 5ES, 5ECA et 5ECB.
CAS PARTICULIER D'UN DEBIT D'EAU :
Sans
entrer dans le détail du fonctionnement du moteur, suivant la technologie, il
arrive qu'une quantité d'eau soit éjectée continûment, pendant tout le
fonctionnement de l'étage. C'est le cas de l'étage 1 d'Ariane. Le débit qeau
est une évacuation non propulsive donc à Isp nulle.
La
formule doit donc être adaptée comme suit :
Quelques valeurs :
Oxygène
liquide + Kérosène : typique Isp = 3000 m/s, en pratique de 2250 à 3600 m/s
LH² + LO² : ISP = 4200 à 4400 m/s
Peroxyde
d'azote + UDMH :typiquement Isp =2850 - 2900 m/s, en pratique de 2000 à 3200
m/s
3°) NOTIONS ATTACHEES A
UN MOTEUR OU A UN ETAGE:
Tous
les cours lanceur, reprendront les notations explicitées ci-dessous, dans le
dessin.
On
retiendra cependant spécialement que :
Mpi est la masse des ergols poudres ou propergols,
effectivement utilisée à une fin propulsive. Notamment pour un étage 1, tenu au
sol pendant quelques instants avant le décollage, il y a des ergols consommés
sur table et non propulsifs.
Msi est le reste de la masse constituant le moteur.
Elle est appelée masse de structure et comprend notamment, la partie solide du
moteur, les gaz de pressurisation, les ergols imbrûlés etc..., tout ce qui
n'est pas éjecté à travers la tuyère.
INDICE CONSTRUCTIF D'UN MOTEUR : On associe à un moteur une caractéristique sans
dimension
qui
représente la qualité technologique de la construction du moteur. Plus l'indice
est petit, meilleure est la construction et la performance du moteur.
Remarque :
certains préfère une définition un peu différente avec :
Plus
loin nous l'appellerons indice réduit.
Le
meilleur indice a peut être été réalisé par l'étage 1 du lanceur Saturne, avec w1 = 0.07, w2 = 0.093, w3 = 0.115.
La
"fourchette" habituelle est 0.05 < w < 0.15
L'expérience
montre que plus un étage est "gros", meilleur est son indice, ceci
tient à la présence d'équipements de servitudes nécessaires et grevant plus le
budget d'un petit étage que d'un grand. Un dernier étage a toujours un indice
nettement plus mauvais que les autres, parce qu'en général, on comprend dans sa
structure la masse de la case à équipements.
RAPPORT DE MASSE SPECIALEMENT ASSOCIE A UN ETAGE :
Cette
notion est capitale et sera reprise plusieurs fois, dans la suite.
On
appelle RAPPORT DE MASSE D'UN LANCEUER ASSOCIE A UN ETAGE i, le scalaire
En
pratique : 1 < li < 6
IV QUELQUES PROBLEMES LIES A LA
POUSSEE :
On
aura remarqué qu'un lanceur est en général très élancé et conçu pour
"encaisser" les efforts de compression, exercés suivant son axe :
vers l'avant pour la poussée et vers l'arrière pour la traînée, quand elle est
présente. Il est par contre relativement fragile en flexion transverse.
On
évitera donc de prendre de l'incidence.
Comme
tout système physique réel, un moteur possède des imperfections de montage qui
font que la poussée n'est jamais suivant l'axe longitudinal du lanceur.
Il
en résulte un couple autour du centre d'inertie G , couple qui déstabilise le
lanceur. Mécaniquement, la poussée par l'arrière est déstabilisante.
Quelle est la parade?
C'est
de l'automatique classique :
-
Détection de la rotation
-
Elaboration commande
-
Braquage de la tuyère, en sens contraire, à l'aide d'actuateurs, les vérins de
braquage de la tuyère.
Naturellement, ceci vaut pour tous les défauts
d'orientation de poussée et nécessite une commande dans deux plans orthogonaux.
C'est la centrale inertielle et notamment le bloc gyrométrique, qui mesure les
composantes de la rotation lanceur.
REMARQUE 1: Vous observerez le lanceur Ariane sur son
pas de tir entre Ho et Ho + 4 s, alors que des mors maintiennent le lanceur au
sol, en attendant confirmation du bon fonctionnement des moteurs. Vous verrez
alors les vérins au travail et la tuyère principale pivoter, tout simplement
parce que la tête du lanceur "bouge" sous l'effet des vibrations ou
du vent. Les gyromètres font leur travail de détection et de commande.
REMARQUE 2 : Voir théorie: rôle du spin sur un lanceur propulsé, (On appelle SPIN la rotation du solide
autour de son axe de révolution)
La
technologie des moteurs à ergols liquides, autorise des tuyères mobiles. Ce
n'est pas le cas, en général, pour les moteurs à poudre, ou la tuyère est
solidaire de la structure contenant la poudre "moulée".
Dans
ce dernier cas, il ne reste plus que la stabilisation gyroscopique, en imposant
à l'ensemble du lanceur, un "SPIN" de l'ordre de 1 à 2 tours/s,
suffisant pour limiter le dépointage à des valeurs très faibles.
NB
: On pourrait penser à une stabilisation aérodynamique, mais au décollage, les
gouvernes seraient inefficaces, sans vitesse.
Lorsqu'un
moteur arrive à épuisement de l'un des ergols liquides, la poussée s'arrête et
le moteur inutile, doit être largué.
En
pratique l'étage inférieur à éjecter est lié à l'étage supérieur par une jupe
inter-étages sur laquelle il est fixé. La séparation intervient par une découpe
pyrotechnique faisant éclater des boulons explosifs. Il faut alors séparer les
deux parties, sans heurt. En particulier, il faut faire en sorte que l'étage
inférieur s'écarte du supérieur par une translation vers l'arrière.
Ce
mouvement est réalisé par des fusées disposées en nombre pair sur l'étage à
séparer, poussant vers l'arrière.
Des
problèmes pourraient survenir, si l'une des fusées ne s'allumait pas. Des
précautions mécaniques ont été prises pour minimiser l'effet d'une telle panne.
La parade est de caler les axes de poussée suivant un angle bien précis, par
rapport à l'axe général du lanceur.
Voir théorie mécanique des fusées de séparation
Rappelons
d'abord ce qu'est l'accélération statique. La loi fondamentale nous dit, avec
des notations évidentes pour la poussée et la traînée, que
Nous
savons aussi, que le vol lanceur se déroule à incidence quasi nulle et que la
poussée est axiale, grâce à l'asservissement tuyère, sauf cas particulier. Donc
la poussée F et la traînée Rx sont axiales.
On appelle donc ACCELERATION STATIQUE, la partie bien connue de l'accélération, due aux forces autres que la gravitation, au sens large. C'est ce que Einstein a appelé la FORCE SPECIFIQUE, la seule composante de l'accélération mesurable par un instrument, lorsqu'on se trouve dans un véhicule isolé du reste de l'univers. Voir cours spécial
Si
vous observez la courbe de l'accélération statique d'un lanceur, vous constatez
que l'accélération n'y est jamais nulle, notamment dans les phases inter-étages
et dans le vide. Les moteurs principaux sont coupés et cependant il subsiste
une petite accélération longitudinale de 1 ou 2 m/s². Pourquoi
?
Réponse : Si
un lanceur contenant des ergols liquides, se trouvait dans le vide, moteur
coupé et uniquement soumis à la gravitation , en clair en CHUTE LIBRE,
ou encore en état d'APESANTEUR, les ergols "flotteraient" dans
les réservoirs, au risque de désamorcer les pompes lors d'une mise à feu du
moteur. Pour pallier ce risque, des FUSEES D'ACCELERATION, disposées sur
l'étage supérieur plein, sont allumées avant la fin de combustion du moteur de
l'étage inférieur et brûlent jusqu'à l'allumage du moteur supérieur. Ainsi une
petite accélération statique suffit à maintenir les ergols en fond de
réservoir.
Le
calage des axes de ces fusées est aussi l'objet d'un calcul précis, pour
limiter les problèmes en cas de panne de l'une de ces fusées. L'idée en est
simple, il suffit que l'axe de poussée des fusées passe par le centre d'inertie
du lanceur, au moment de l'allumage du moteur supérieur, pour éviter la
création d'un couple sur les axes tangage-lacet.
NB
: Naturellement, vous ne trouverez pas de fusée d'accélération sur un premier
étage, ni sur un étage complet à poudre.
EXEMPLE:
LES GRAPHES DE PERFORMANCES FOURNIS POUR LES LANCEURS, dans le MUA :
Ci-dessous
ceux relatifs à l'excellent lanceur de la famille ARIANE 4, qui rassemble
l'ensemble des paramètres utiles , dont notamment l'ACCELERATION
STATIQUE bien précisée sur le graphe.
Commentons
la courbe G :
T |
G statique |
0 |
16 m/s² ==> accélération réelle (G-g) de l'ordre de 6 m/s² |
30 s |
Saut d'accélération qui correspond au largage des PAP |
60 à 80 s |
Le palier marque le passage du mur du son |
Vers 130 s |
Saut d'accélération après largage des PAL |
Vers 210 s |
Extinction de l'étage 1 et largage de l'étage vide |
Etc... |
|
Vous
aurez l'occasion de revoir ce genre de graphes dans toutes les rubriques
traitant de lanceurs.
4°) ACCELERATION LANCEUR :
Prenons
un étage de lanceur fonctionnant dans le vide , avec une poussée axiale,
constante, notée F.
-
Go est l'accélération initiale, à
l'allumage, s'exerçant sur une masse Mo.
-
G1 est l'accélération finale , en fin
de combustion du moteur et avant largage, s'exerçant sur une masse Mf.
On
a :
On
constate que l fixé, classique de l'ordre de 3 ou
3.5, pour limiter l'accélération en fin de combustion, il faut choisir une
accélération faible au décollage. Ceci explique, notamment, que l'étage 1
d'Ariane 1, terminant sur une accélération de 4g, décolle avec une accélération
de 1.4 g au plus. Comme il faut retrancher la pesanteur de la poussée, c'est
tout au plus 0.4 g au décollage. Voilà qui explique la lenteur du lanceur, dans
les premiers instants du vol.
5°) CALAGE DES PAP OU PAL :
Regardez attentivement un lanceur Ariane 44LP par
exemple, et vous serez surpris de constater que les axes des tuyères des PAP ou
PAL, sont inclinés sur l'axe lanceur et de plus de manière différente.
Les
tuyères des PAP sont inclinées de 14°, alors que les PAL ne le sont que de 9°
environ. Pourquoi ?
Problème: Se pose, à peu près pour la même raison que les axes des fusées
d'accélération. En effet, les PAP ou PAL, fonctionnent par paire et la fin de
combustion n'est pas commandée, elle survient donc par épuisement des ergols.
Donc,
ces fusées ne s'arrêtent pas, en général, en même temps, signifiant que si
l'une d'entre elles est arrêtée et l'autre en combustion, un couple important
s'exerce sur le lanceur, que le braquage des tuyères ne pourrait pas contrer.
Réponse :SOLUTION -->Faire converger les axes de poussée des PAP vers le
centre d'inertie du lanceur, au moment de l'arrêt probable des PAP et faire
converger les axes des PAL vers la position du centre d'inertie lanceur au
moment de l'arrêt probable des PAL.
Ceci
explique que les PAL soient moins inclinés que les PAP.
NB 1 : Ce cours a une suite
NB 2 : Une version papier optimisée pour la mise en page ( format Word 97 ) est prévue sous la dénomination LANCEUR1.DOC
GUIZIOU Robert 19/10/2004, sept 2011